17/10/2025
De la lucidité comme premier acte de survie en France
De la lucidité comme premier acte de survie en France
Revenir en France, c’est comme remonter sur un navire que l’on croyait solide, pour le découvrir à la dérive. Les circulaires administratives se multiplient, les logiciels se déploient par vagues, et la langue de bois masque un chaos persistant. L’illusion d’ordre côtoie l’inertie réelle.
Dans ce paysage, la lucidité devient le premier acte de survie. Observer sans se perdre, discerner l’urgent de l’essentiel, reconnaître les foyers où l’action a encore du sens… C’est apprendre à nager autrement, à guider quelques passagers autour de soi, même si la mer est agitée et le navire en déclin.
On ne peut pas tout sauver. On peut seulement préserver ce qui a de la valeur, transmettre ce qui résiste et rester vivant dans son esprit, pour soi et pour ceux qui viendront après nous. La lucidité, dans un monde en décomposition, n’est pas pessimisme : c’est une arme, un phare, un acte de résistance silencieuse.
Comme dirait Jacques Attali, il ne faut être ni pessimiste, ni optimiste, mais simplement agir.
Erkin Jon – Homme libre
11:44 Publié dans Impertinences, Survie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : lucidité, action, langue de bois, déclin
ZEBRUS EXPRESS : la bête est dans le bus !
Chronique pour un été ordinaire - le prochain été bien sûr !
À partir du 2 juillet, et jusqu’au 27 août 2026 (sous réserve de canicule, effondrement social ou attaque de cigognes migratoires), une navette quotidienne reliera la gare de XXX au très renommé parc zoologique ZEBRUS, joyau bétonné de l’imaginaire animalier local.
Plusieurs arrêts dits "stratégiques" (si, si) jalonneront le parcours :
-
Place des Grands Hommes (dont aucun ne prend le bus)
-
Office de Tourisme (fermé entre midi et 14h30)
-
La Cathédrale (photo obligatoire pour prouver qu’on a "fait" la ville)
-
L’EHPAD (point de départ ou d’arrivée selon l’espérance de vie)
Tarif unique : 2,25 €.
Soit 0,012 € le rugissement entendu, ou 0,35 € la girafe entre deux panneaux publicitaires.
Horaires optimisés pour :
-
Les familles en sandales qui cherchent du frais et du vivant
-
Les Allemands sans voiture mais avec casquette
-
Les petits-enfants des GI qui cherchent leurs racines entre deux cornets de glace
-
Et les retraités de plus de 82 ans (offre valable jusqu'à épuisement des sièges ou des participants)
- On se prépare !
11:43 Publié dans Chronique, Impertinences | Lien permanent | Commentaires (0)
04/10/2025
Le blason d'Erkin Jon
L'emblème d'Erkin Jon, pseudonyme qui signifie "homme libre". Nom d'écriture qui me vient de loin et avec lequel je signe mes chroniques.
Voici mon emblème narratif, stylisé comme une estampe ou un blason poétique : La grue migratrice, messagère céleste, survole un cavalier des steppes, vêtu d’un manteau de feutre et coiffé d’un kalpak, avançant sur un cheval trapu à travers les plaines dorées. Tous deux vont dans le même sens, portés par le souffle de la liberté.

12:17 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : emblème, blason, pseudo, homme libre
Je publie une chronique "du coup" ?
« Du coup, ça ne nourrit pas »
Il est des tics de langage qui font saliver les sociolinguistes.
Le « du coup » contemporain, par exemple. Jadis austère connecteur de conséquence, il s’est mué en condiment universel de la conversation. On le saupoudre en entrée, on le ressert au milieu, on le laisse traîner au dessert.
— « J’ai pas dormi de la nuit, du coup je suis crevé. »
— « On fait une soirée ? Du coup, j’achète quoi ? »
— « Je t’écoute, du coup… »
Le « du coup » ne dit plus la conséquence, il dit la convivialité. Il remplit, relance, cimente. Comme le ketchup dans certains fast-foods, il colle plus qu’il n’assaisonne.
Mais à force de l’entendre à toutes les sauces, l’oreille fatigue. Les puristes froncent les sourcils, les pédagogues s’arrachent les cheveux, les chercheurs se frottent les mains : voilà un sujet en or pour un mémoire de sociolinguistique.
Car le « du coup » ne nourrit pas la logique… mais il nourrit les conversations.
Et les mémoires des étudiants. Et les bibliothèques universitaires.
Pas les estomacs.
Alors, du coup, il est temps d’aller faire les courses.
Erkin Jon - L'homme libre
11:55 Publié dans Diversité linguistique, Impertinences | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : du coup, sociolinguistique
13/07/2025
Marché nocturne
Ah, voilà un mystère de la géographie estivale française qu’il fallait enfin oser affronter :
le stand de katanas en plein marché nocturne de bord de mer.
Oui, entre la planche à découper pyrogravée, les savons à la lavande, et le vendeur de sacs tibétains made in Taïwan, se dresse imperturbable le maître d’armes en polo Ralph Lauren contrefait, vendant ses sabres de samouraï, exposés sous néon, à côté de quelques nunchakus en mousse pour enfants — parce qu'on est là aussi pour transmettre.
Et tu te demandes, épongeant ton front moite avec un flyer de pizzéria :
"Mais QUI achète un katana à Fouras ?"
Eh bien, probablement un homme en claquettes-chaussettes, qui se sent pousser une âme de ronin charentais, et qui, après deux mojitos trop sucrés au bar de la plage, s’imagine prêt à trancher l’air salin au nom du bushidō du PMU.
C’est ça, la France de juillet-août :
– On ne lit pas Mishima, mais on achète la lame.
– On ne comprend pas bien les règles du Go, mais on repart avec un shuriken "pour les gamins".
– Et on se dit que peut-être, entre deux merguez, on méditera sous la pleine lune en découpant du melon au sabre de Tōkyō.
Parce que dans le fond, le katana de marché nocturne, c’est l’ultime fantasme du vacancier de province :
Un peu d’exotisme, un peu de violence contenue, et surtout une excuse pour dire "regarde, j’ai payé ça 30 euros, c’est un vrai, y a le certificat !"
Et le pire…
C’est qu’on l’imagine, ce type, revenu chez lui à Poitiers, le katana exposé au mur du salon, entre la photo du chien décédé et un masque africain acheté à Sète.
Il le regarde parfois, le soir, après le cassoulet, et il murmure, ému :
"Un jour, s’il le faut, je me lèverai."
20:08 Publié dans Chronique, Impertinences | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : marché, katana, tong
"Recherche restaurant désespérément"
"Recherche restaurant désespérément"
Un soir comme tant d’autres.
L’envie soudaine de sortir.
Un petit resto sympa, sans prétention, pas trop cher, pas trop loin, pas trop gras, pas trop bondé, pas trop m’as-tu-vu.
Bref : une chimère moderne.
Je tape dans Google : "restaurant sympa ce soir dans les environs".
Je reçois 137 propositions.
La carte de France s’allume comme une guirlande de Noël sous Xanax.
D'abord, le resto français, avec nappe à carreaux et bidoche baignant dans la sauce.
Le genre d’endroit où le cuisinier confond fond brun et mazout,
et où le serveur t’explique que le magret, s’il est dur comme une semelle, c’est "parce qu’il est élevé en plein air, Monsieur."
Ensuite, le restaurant à fondue, planté fièrement à 200 mètres de la Loire.
Parce que rien ne dit "authenticité alpine" comme un caquelon au bord d’un fleuve vaseux. Le fromage industriel y bouillonne dans une ambiance de spa à raclette.
Tu ressors parfumé à l'emmental fondu jusqu’au slip.
Puis, bien sûr, le gastronomique.
Ambiance feutrée, menu en cinq syllabes, et tarif en cinq chiffres.
Le pain est tiède, la serveuse te tutoie à 120 balles le menu "Instant Végétal", et la purée de betterave te regarde dans l’assiette comme une œuvre conceptuelle.
Tu manges l’équivalent calorique d’un Tic Tac, et tu ressors avec la dalle d’un docker.
Plus loin, le faux chinois :
glutamate, nouilles surgelées, déco en bambou de chez Gifi.
Le cuisinier s'appelle Bernard et vient de Vierzon.
Mais l’enseigne s’obstine à t’annoncer "Délices d’Orient", en rouge fluo, avec un dragon pixelisé.
L’indien, lui, est aussi fade qu’un discours de Miss France.
Du poulet Tikka sans âme, du riz au safran sans safran, et un lassi tiède qui sent la salle d’attente.
C’est Gandhi, version micro-ondes.
Reste les grands temples de la cuisine asiatique, plantés en zone industrielle,
dans des ZAC, des ZAE, des ZIC, des ZEP… et probablement des ZOB, vu la gueule du parking.
Des cathédrales du buffet libre, 500 places assises,
des sushis qui brillent dans le noir, des nems à la sauce algérienne,
et un wokman qui fait plus de bruit que le métro de Shibuya.
Tu payes au poids, tu dînes au pas de course.
Le nirvana du mange-vite-et-oublie.
Et puis les autres :
Kebab, Baoab, Toubab,
bistrot vegan qui vend des graines à 19€,
food court bio tenu par des hipsters qui prononcent "houmous" avec une majuscule.
Alors je ferme mon ordi.
Je regarde mon frigo.
Je souris.
Je me fais des pâtes au chorizo.
Pas de supplément sauce, pas de supplément bruit,
pas de parking à trouver, pas de sommelier qui me dit "ce petit vin naturel est une aventure" comme si j’allais faire un trek dans les Cévennes.
Non.
Juste moi, mes pâtes,
et le chorizo — piquant, fidèle, discret.
Le vrai luxe.
19:41 Publié dans Chronique, Impertinences | Lien permanent | Commentaires (0)
21/06/2025
Celui qui ne rentre nul part
Il existe des êtres qu’on identifie vite.
Ils sont “de gauche”, “de droite”, “modérés”, “engagés”, “progressistes”, “réacs”, “écolos”, “éveillés”, “conservateurs”.
On les range, on les catalogue, on sait comment leur parler.
Ils font masse.
Et puis il y a ceux qu’on ne classe pas.
Qui lisent entre les lignes, mais ne crient pas.
Qui n’adhèrent pas, mais écoutent.
Qui refusent le slogan, mais avancent.
Qui voient les failles sans se réjouir, les dogmes sans se soumettre, les dérives sans en faire spectacle.
Ceux-là sont les plus dangereux.
Parce qu’ils ne rentrent nulle part.
Parce qu’ils ne jouent aucun rôle.
Parce qu’ils ne cherchent ni sauveur, ni cause, ni groupe d’appartenance.
Je suis, peut-être, de ceux-là.
Pas par choix, mais par nature.
On m’a appris à réfléchir — et j’ai gardé ce défaut.
J’ai vu ce que coûtait l’intelligence dans un monde qui préfère l’adhésion.
Face aux micros, je dévie.
Dans les foules, je traverse.
Devant les cases à cocher, je réfléchis longuement.
Pas par paresse. Par vigilance.
Le pouvoir, quel qu’il soit, n’aime pas ceux qui pensent sans appartenir.
Il préfère les indignés bien orientés, les rebelles sous licence, les consciences groupées.
Moi, je me tiens ailleurs.
Ce n’est pas du courage.
C’est une fidélité.
À quelque chose d’antérieur à tous les récits.
À un regard qu’on ne vend pas.
Et à une solitude qu’on habite comme une haute ligne, là où l’air est plus rare, mais plus vrai.
En juin 2025, quelque part dans ce vaste monde
Erkin Jon - Homme libre
23:05 Publié dans Impertinences, poésies, Survie | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : libre, indépendant, ni gauche, ni droite
Une idée bien peignée
L’élégance du récit collectif
Il suffit parfois d’une idée — bien façonnée, bien partagée, bien répétée — pour que tout un monde s’incline.
Elle ne demande pas à être vraie.
Il lui suffit d’être dite avec assez d’assurance, portée avec douceur par ceux qui la portent.
La conviction fait le reste.
On sait que lorsqu’une idée est répétée avec assez d’assurance et d’attention, elle finit par s’imposer comme une vérité, peu importe qu’elle soit fondée ou non. Le simple fait d’y croire intensément peut lui donner une existence propre.
J’ai vu ces réalités naître : dans les conversations, les médias, les rassemblements, les foyers.
Elles avaient le ton de la raison, le sourire du bon sens, la politesse de l’évidence.
Il fallait les accueillir — ou du moins faire semblant.
On nous apprend très tôt :
applaudir ce qu’il faut, aimer les groupes, les rythmes, les chants, les émotions partagées.
S’étonner d’aimer autrement, c’était déjà s’exclure.
Alors, on apprend à marcher droit.
À se faire discret avec élégance.
À penser un peu à côté, mais en silence.
Plus tard, on retrouve ces mécanismes ailleurs :
dans le sérieux convenu des discours, dans les mots creux brandis comme talismans :
inclusion, progrès, urgence, ensemble.
On change le décor, mais la mise en scène persiste.
J’écris cela sans colère.
J’ai simplement cessé de croire que le groupe pense mieux que l’individu, ou que la répétition crée la vérité.
Ce n’est pas un programme, ni un manifeste.
Juste une posture : celle de l’observateur.
Pas sur une barricade — mais sur une ligne de crête.
Entre silence et parole. Entre solitude et lien.
Un lieu fragile, mais clair.
Quelque part à l’Est, ou ailleurs
Erkin Jon — Homme libre
23:04 Publié dans Impertinences | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : guetteur, idée
Je te lis
Et puis, le soir même, je branche les infos.
« Meurtre d’une surveillante »… et quoi d’autre ce soir ?
Une rixe ? Une agression ? Une fusillade peut-être.
Et ensuite, quelqu’un, avec un sourire sincère, me demandera :
« Alors, content de rentrer ? »
Et là, je me surprends à penser que oui,
j’ai vécu dans un pays lourd, parfois étouffant, absurde à sa manière…
mais sans effraction dans les écoles,
sans cette violence diffuse qui s’invite jusque dans les lieux d’apprentissage.
Là où les jeunes, même désœuvrés, baissent la tête pour dire bonjour,
où un téléphone oublié attend patiemment son propriétaire,
où marcher seule le soir ne fait pas lever la tête ou serrer les clés dans sa poche.
Mais là aussi — un système figé, suradministré, vidé de son élan,
où le contrôle a remplacé la confiance,
et où l’on joue à la modernité comme à un théâtre sans spectateurs.
Là-bas, trop.
Ici, plus assez.
Et entre les deux, une ligne de crête.
Alors je me demande :
Existe-t-il encore un équilibre ?
Ou faut-il simplement apprendre à avancer autrement,
sans céder à la peur ni à l’amnésie,
sans illusions, mais sans renoncement non plus ?
Un soir de juin, quelque part à l'Est,
ce goût âcre, à l’heure d’écrire.
Erkin JON – Homme libre
22:37 Publié dans Livre | Lien permanent | Commentaires (0)
Le regard du Huron
Je rentrerai en France avec un regard lavé par l’ailleurs,
non pas pour juger, mais pour observer.
Observer cliniquement, comme un médecin ausculte un corps fatigué.
Que font-ils ? Pourquoi font-ils cela ?
À qui parlent-ils, et pour dire quoi ?
Est-ce utile ? Est-ce nécessaire ?
Est-ce un soin, ou un symptôme de plus ?
Je regarderai les rituels, les indignations mécaniques, les slogans recyclés.
Les injonctions à la modernité, les appels à l’autorité,
les discours sur une société "refondée", "réenchantée" ou "remobilisée",
jusque dans ses institutions éducatives et culturelles.
J’écouterai les mots qu’ils emploient — et surtout ceux qu’ils n’emploient plus.
Je ne serai pas dupe.
Mais je ne serai pas cynique non plus.
Simplement, je regarderai comme le Huron de Voltaire,
avec cette naïveté feinte et cette lucidité acérée.
Comme un homme revenu d’un long voyage,
qui voit ce que les autres ne voient plus.
Et peut-être, dans ce regard décalé, dans cette étrangeté tranquille,
quelque chose pourra être dit.
Non pour condamner, mais pour comprendre.
Non pour fuir, mais pour résister autrement.
Avec calme. Avec franchise.
Avec cette liberté que donne l’exil intérieur.
Signé, quelque part à l'Est, entre deux mondes
Erkin Jon – Homme libre
22:30 | Lien permanent | Commentaires (0)

